Friday, April 23, 2010

Appel à contribution : Femmes de sciences. Réalités et représentations, de l'Antiquité au XIXe siècle


L'accès des femmes aux études et à la pratique scientifique semble aujourd'hui un fait acquis, même s'il demeure minoritaire. Pour autant, cet état de fait est le fruit récent d'une longue et double évolution : celle de la distribution mentale et sociale des rôles dévolus aux deux sexes dans la société, et celle du statut de la science au sein de la culture occidentale. Quand on parle du rapport entre les femmes et la culture de l'Antiquité aux temps modernes, on pense de prime abord au domaine littéraire car les femmes ont beaucoup écrit. Néanmoins, les recherches récentes, parmi lesquelles celles de L. Schiebinger, P. Phillips, E. Sartori, G. Chazal et J.-P. Poirier, ont démontré que les femmes se sont intéressées aux sciences et ont pratiqué une activité scientifique, parfois de très haut niveau ; soit en collaborant aux travaux de la communauté masculine des savants, soit ce qui est beaucoup moins connu, de manière autonome et émancipée. Depuis Hypatie jusqu'à Marie Curie, en passant par Hildegarde de Bingen et Emilie du Châtelet, des femmes ont figuré parmi les élites scientifiques en s'illustrant dans les mathématiques, la physique-chimie, l'astronomie, la médecine, et les sciences naturelles et occultes. Certaines le firent en traduisant, en écrivant, en annotant ou en éditant des ouvrages fondamentaux ; d'autres menèrent des recherches expérimentales et inventèrent de nouveaux instruments et procédés scientifiques ; d'autres encore enseignèrent elles-mêmes à des femmes et à des hommes - et pas des moindres. Elles participèrent par cette activité variée, à l'avancement et la diffusion des connaissances scientifiques en général, contribuant parfois même à l'élaboration et l'éclosion d'oeuvres masculines. 

Tel est le premier objectif de ce colloque : cerner et mettre en lumière le rôle insigne et multiple, parfois moteur, mais trop souvent méconnu de ces femmes de sciences depuis l'Antiquité jusqu'à l'aube du XXe siècle. 

En effet, dans un monde occidental régi jusqu'aux temps modernes par l'Église et l'Université, le domaine de la connaissance était un territoire d'hommes. Les femmes en étaient tenues à l'écart pour des raisons multiples, à la fois sociales, culturelles, idéologiques et religieuses. D'une part à cause de l'influence prééminente dans la chrétienté de la pensée paulinienne qui tendait à les minorer et à les soumettre à l'ordre masculin. D'autre part à cause de leur exclusion des écoles et des universités. L'accession des femmes à la connaissance et à la pratique scientifiques a sans nul doute été freinée par ces deux facteurs. La place de la Bible, perçue comme une vérité révélée, pouvait faire de toute recherche ou découverte scientifique une menace théologique. Cette méfiance entretenue à l'égard de la science produisit durant la révolution scientifique une scission entre certains représentants de l'Église et certains savants. Grâce à cela, de nombreuses femmes purent faire leur entrée sur la scène scientifique. 

Les femmes de sciences apparurent pendant très longtemps comme des exceptions sociales et culturelles, tantôt décriées parce que femmes, tantôt admirées pour l'étendue de leurs compétences. Le monde masculin était en effet mitigé : s'il était des hommes qui les encourageaient dans leurs démarches et collaboraient avec elles, il en étaient aussi qui leur étaient résolument hostiles. Elles durent âprement gagner leur place dans le sanctuaire du savoir scientifique. L'accession des femmes contemporaines au monde scientifique est le fruit d'une longue et difficile conquête intellectuelle à travers les époques. cette conquête ne fut ni linéaire ni progressive, mais connut des phases d'immobilisme, d'avancée et parfois de recul. Elle fut autant l'oeuvre de pionnières renommées que de laissées pour compte qui méritent d'être réhabilitées. 

Tel est le deuxième objectif de ce colloque : examiner les phases de cette conquête et leurs différentes raisons contextuelles, puis sortir de la pénombre des femmes éminentes dans leurs talents et leurs compétences, mais restées dans l'ombre des savants et des savantes de renom.

Ce colloque se donne aussi un troisième objectif qui a trait aux conditions sociales, culturelles et mentales de cette conquête.

Il s'intéressera d'abord aux modes de formation et d'accès des femmes à un savoir primitivement puis longuement monopolisé par les hommes. Par exemple : les différents lieux d'enseignement, institutionnels ou non ; les supports pédagogiques ; les précepteurs ; les réseaux de relations. Il se penchera aussi sur le statut social et familial de ces femmes et son incidence éventuelle sur la nature de leur activité scientifique, privée ou publique. On n'oubliera pas le destin atypique ou extraordinaire de quelques individualités. On se demandera aussi s'il n'existait pas des secteurs privilégiés dans la science féminine, et si certains d'entre eux leur étaient plus ouverts que d'autres et pour quels motifs. Cela permettra de déterminer s'il y a eu, en fonction des périodes, une classification sociale et "genrée" des savoirs scientifiques. Il s'agira enfin d'examiner les regards et les jugements portés sur ces femmes exceptionnelles et leurs travaux, puis de voir l'accueil qui leur fut réservé tant dans l'opinion publique que dans la République des sciences ou des lettres. Etaient-elles acceptées, rejetées, admirées, craintes, moquées ou jalousées ? Nourrissaient-elles des fantasmes ? Et si oui, de quelle nature ? Cette investigation s'appuiera sur le large éventail des textes existants, mais aussi sur les images dont on ne saurât négliger l'apport pour cerner ces représentations.

La date et le lieu de ce colloque ne sont pas encore définis (soit 2012 à Cerizy, soit 2011 à Lorient ou à Rennes). Ses actes donneront lieu à une publication. Les propositions de communications comporteront votre nom et prénom, votre statut estudiantin ou professionnel, votre centre de recherche ou de rattachement éventuel, vos coordonnées électroniques et postales, le titre de votre projet de communication assorti d'un résumé d'une dizaine de lignes et d'un bref CV d'une liste de vos publications éventuelles. Les propositions doivent être adressées pour le 20 juin 2010 par courrier électronique à :
Adeline Gargam (adgargam@numericable.fr)
et en cc à Bertrand Lançon (lancon.bertrand@wanadoo.fr)
Responsables : Adeline Gargam et Bertrand Lançon
Adresse : Héritages et Constructions dans le Texte et l'Image - HCTI EA 4249 de l'Université européenne de Bretagne (Brest).