Source : Compitum.
La dramatique conciliaire. Coups de théâtre, tactique et sincérité des convictions dans les débats conciliaires de l'Antiquité à Vatican II
Les propositions
de communications doivent être adressées par courriel à Charles Mériaux (charles.meriaux@univ-lille3.fr),
accompagnées d'un argumentaire d'une demi page environ, avant le 15 avril 2012.
Le problème de
l'inspiration des Écritures a fait couler beaucoup d'encre chez les
théologiens, les exégètes et les historiens. Mais, pour être plus rarement
posé, celui de l'inspiration des conciles, dans lesquels, en bonne théologie
chrétienne, l'Esprit Saint est censé joué un rôle directeur, n'est, en un sens,
pas moins problématique. Quiconque en effet a fréquenté un tant soit peu les
annales des conciles n'a pu manquer d'être frappé par l'importance des
conflits, des pressions, des coups de théâtre et des manœuvres dans la conduite
des assemblées et la rédaction des documents qui en sont issus.
Vue de près,
l'opération du Saint-Esprit apparaît souvent bien « humaine », voire « trop
humaine ». André Mandouze, spécialiste du christianisme antique et chrétien «
progressiste » bien connu, écrivait en 1964, à propos du concile Vatican II sur
le point d'entrer dans sa dernière session : « Si l'acteur principal est en
effet le Saint-Esprit, si c'est bien Lui qui agit à travers les Pères conciliaires,
tantôt avec passion, tantôt avec humeur, parfois avec colère, parfois avec
ironie, toujours avec sincérité, s'il joue aussi bien des partisans du passé
que des artisans de l'avenir, s'il utilise des “groupes de pression” et se
prête un jour aux subtilités de style parlementaire, le lendemain aux
interpellations de type prophétique, si c'est Lui qui fait échouer certaines
manœuvres et suscite les parades salvatrices, il convient de prêter d'autant
plus d'attention aux actes qui vont sortir de ce [Concile]. »
D'où l'idée, au
moment où de nombreuses institutions, en France et à l'étranger, s'apprêtent à
commémorer le cinquantenaire de l'ouverture du concile Vatican II (1962-1965)
et bientôt aussi le 450e anniversaire de l'achèvement du concile de Trente
(1545-1563) par l'organisation de manifestations scientifiques, de consacrer
une rencontre à l'étude de cette dramatique conciliaire. Très présente dans les
sources et, de façon fragmentaire, dans les histoires spécialisées, elle a été
rarement étudiée en tant que telle, hormis quelques exceptions comme le livre
que Ramsey MacMullen, non sans provocation, a consacré au déroulement des
conciles de l'Antiquité tardive et à la nécessité, pour la nouvelle religion
officielle de l'Empire romain, de se doter d'une définition cohérente de la
Divinité.
Cette dramatique
conciliaire pose en effet à l'historien un problème de psychologie religieuse
dont les enjeux dépassent largement, nous semble-t-il, la simple phénoménologie
de l'expérience croyante. Comment comprendre, en effet, que nombre de grands
acteurs des conciles aient pu être à la fois d'habiles tacticiens, dévoués au
triomphe de leurs idées par tous les moyens que ne réprouvaient pas la morale
(en tout cas la leur), et des croyants sincères, convaincus que le Saint Esprit
pilotait en sous-main les opérations et, par conséquent, que ce combat «
politique » était aussi un combat « spirituel » ? On ne saurait trop, de ce
point de vue, recommander la lecture de l'extraordinaire Journal du Concile du
théologien dominicain Yves Congar où la part de la tactique justement est
omniprésente. Faut-il n'y voir que cynisme, candeur et schizophrénie latente ?
Notre hypothèse est qu'en donnant aux études sur la « mécanique politique » des
conciles (pour reprendre la fameuse expression de Philippe Levillain) et aux
conflits qu'ils suscitent une épaisseur anthropologique nouvelle, on peut
espérer mieux comprendre à la fois ce qui apparente les assemblées conciliaires
aux autres assemblées, de tout type, dans lesquelles s'affrontent partis et
factions, et ce qui les en distingue fondamentalement.
Le colloque, qui
aura lieu à l'université Lille 3 Charles-de-Gaulle les 16 et 17 mai 2013,
s'adresse aux spécialistes des quatre périodes (ancienne, médiévale, moderne et
contemporaine). Il ne prétend pas se limiter à l'étude des conciles
œcuméniques, même si l'enjeu des discussions doit être suffisamment consistant
pour que puissent se poser de telles questions, ni catholiques (on
s'intéressera aussi à la pratique conciliaire protestante et orthodoxe). On
prendra garde de ne pas tomber dans une présentation monographique des conciles
ni même purement « politique » mais à bien mettre en évidence la dimension
théologico-spirituelle et subjective des affrontements et discussions, quitte, pour
les périodes où la documentation ne s'y prêterait pas forcément, à insister sur
les difficultés et les problèmes que pose une telle approche. On peut imaginer
sur un tel sujet des communications assez diverses, en particulier des
portraits de grands acteurs (des pères conciliaires au pape en passant par les
experts), en veillant à ce que « vainqueurs » et « vaincus » soit bien
représentés ; des études portant sur des moments clé ou des tournants des
conciles (comme par exemple, pour s'en tenir à un cas lillois de circonstance,
l'intervention du cardinal Liénart au début de Vatican II) ; les formes de «
combat spirituel » qu'ils impliquent et les modalités des interventions
extérieures ; la mémoire immédiate et à plus long terme des événements ; les modalités
de la sortie de crise et du retour à la normale. Plus que des actes des
conciles à proprement parler, on s'efforcera d'exploiter des documents qui
donnent à voir les acteurs en action, à travers des journaux et notes pris sur
le vif ou par le prisme d'interprétations élaborées après les événements
(mémoires).
Comité
d'organisation
Xavier Boniface
(Université du Littoral)
Guillaume Cuchet
(Université Lille 3)
Michèle Gaillard
(Université Lille 3)
Charles Mériaux
(Université Lille 3)
Comité scientifique
Xavier Boniface
(Université du Littoral)
Guillaume Cuchet
(Université Lille 3)
Pierre-Antoine
Fabre (CARE/EHESS)
Étienne Fouilloux
(Université Lyon 2)
Michèle Gaillard
(Université Lille 3)
Charles Mériaux
(Université Lille 3)
Pascal Montaubin
(Université d'Amiens)
François-Xavier
Romanacce (Université Paris-Sorbonne)
Christian Sorrel (Université Lyon 2)
Alain Tallon
(Université Paris-Sorbonne)